Fondée en 1364 par le pape Urbain V (1310-1370), l’église abbatiale du collège monastique Saint-Benoît-Saint-Germain est une importation directe et particulièrement réussie de l’art avignonnais en Languedoc

Les plans de l’église sont élaborés à Avignon par le maître d’œuvre du pape, Bertrand de Nogayrol, qui vient d’achever la construction de la Roma du palais pontifical. Il est assisté par Bernard de Manse, sacriste de l’église Saint-Didier d’Avignon et maître d’œuvre des remparts de la ville. Ces deux architectes au service de la papauté, habitués des grandes réalisations avignonnaises, apportent à Montpellier les goûts de la cour pontificale.

Tout au long du chantier, les documents pontificaux mentionnent la présence d’ouvriers avignonnais. Urbain V fait également appel aux artistes de sa cour. En 1366, il envoie Simonet de Columba peindre les clefs de voûtes des chapelles et de la nef. L’année suivante, il confie au peintre Matteo Giovanneti (1322-1368) la réalisation de 56 toiles relatant la vie de saint Benoît destinées à orner le chœur de l’église. 

Au terme du chantier, l’ouvrage n’a rien à voir avec ce qui se faisait à Montpellier à la même époque. L’édifice est d’une échelle sans comparaison avec son environnement bâti. 

Porche de la cathédrale Saint-Pierre, Montpellier

2013

© M. Hequet. DRAC Occitanie

Un indice puissant de la qualité purement avignonnaise de cet ouvrage est son porche d’entrée monumental, composé de deux piles cylindriques d’échelle colossale supportant une voûte d’ogives à près de 25 mètres au-dessus du sol. On ne connait pas d’autres exemples, à cette époque, d’une telle structure, mais on reconnait bien le goût des architectes pontificaux pour les formes larges et dépouillées, en opposition à la finesse du style gothique septentrional.

Un autre élément caractéristique de l'influence pontificale est la technique de mise en œuvre des parements. Au milieu des ouvrages montpellierains médiévaux tous caractérisés par l’emploi de l’appareil de Montpellier (assises minces et hautes alternées), on observe ici un parement aux assises réglées d’une hauteur moyenne de 25 cm qu'on retrouve sur la plupart des ouvrages avignonnais.

Il est clair que les maitres d’œuvres pontificaux ont imposé au carriers locaux leur module usuel, et aux maçons leur technique d’édification du parement.

Gauche : mise en œuvre en appareil de Montpellier, chevet de l'église Notre-Dame-des-Tables

 

Droite : mise en œuvre à assises égales, façade Sud de la cathédrale Saint-Pierre

© Anna Robert. DRAC Occitanie

A la naissance de la voûte, un autre indice témoigne de la filiation avignonnaise de l’église montpelliéraine. A la jonction des arcs doubleaux et des ogives, au lieu de diverger comme autant de corps indépendants, les arcs s’enchevêtrent. On retrouve ce profil de nervures original dans les voûtes des églises du pays avignonnais, notamment dans l’église Saint-Didier d’AvignonBernard de Manse exerçait ses fonctions.

La généalogie apparait ainsi directe entre les ouvrages avignonnais et l'édifice montpelliérain.

Détail des nervures de la voûte, cathédrale Saint-Pierre

© Jean-François Peiré. DRAC Occitanie