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- La chute de Simon le Magicien
Montpellier s’enorgueillit à juste titre de la présence dans sa cathédrale de cette imposante toile du grand peintre montpelliérain à la renommée européenne, Sébastien Bourdon (1616-1671).
Considéré à son retour d’Italie comme le « Dominiquin français », appelé à la Cour de la reine Christine de Suède, il se distingua à l’Académie royale de peinture et de sculpture de Paris aux côtés de peintres de talent comme Le Brun ou Le Sueur.
La commande à Bourdon du tableau destiné à orner le maître-autel de la cathédrale Saint-Pierre fut une opportunité de prestige saisie par l’évêque érudit et amateur d’art François Bosquet (1605-1676) en 1657. Le bref retour du peintre renommé dans sa ville natale est immortalisé par la réalisation de cet immense chef d’œuvre que l’on peut toujours admirer dans le transept de la cathédrale : la chute de Simon le Magicien.
La transformation du chœur a chassé le tableau de sa place originelle et l’on ne peut que regretter la disparition de son cadre doré, somptueux et fort coûteux si l’on en croit les archives. Dessiné par Bourdon pour mettre en valeur son tableau, il était indissociable de l’œuvre picturale.
La dédicace de la cathédrale appelait un thème concernant la vie de saint Pierre, mais l’évêque Bosquet laissa le choix du sujet à Bourdon. Le peintre choisit une scène rarement représentée en peinture, la résistance de saint Pierre à la corruption spirituelle.
Simon le Magicien avait tenté d’acheter à saint Pierre son pouvoir de faire des miracles. Il voulut montrer sa supériorité devant l’empereur Néron en se jetant dans le vide, tel un nouvel Icare se jetant du haut du Capitole. Une foule de personnages assistait au spectacle tout en pointant du doigt la descente fatale de Simon le Magicien.
La simonie, c’est-à-dire le fait de monnayer les valeurs spirituelles, fut particulièrement combattue après le concile de Trente et, dans le contexte religieux de l’époque, le protestant Bourdon, au tempérament fougueux, ne pouvait ignorer le caractère ambigu du sujet. La victoire de saint Pierre sur Simon préfigure le triomphe de l’Eglise sur l’hérésie, mais elle symbolise aussi la victoire de la papauté sur le protestantisme.
Comme pour affirmer son choix, tel Raphaël dans l’Ecole d’Athènes, le peintre s’est représenté à l’extrémité droite du tableau. Le tableau fit scandale et son rival montpelliérain, le peintre Samuel Boissière (1620-1703), lui reprocha dans un pamphlet célèbre, de s’être placé du côté des infidèles.
Dans cette œuvre phare, par le contenu symbolique mais aussi par la modernité picturale, Bourdon déploie tout son talent : il ordonne magistralement l’espace par des plans successifs qui se déroulent en frises ou strates délimitées par les éléments architecturés qui creusent toujours plus loin la profondeur du tableau.
Il relie toutes les figures avec subtilité par le biais de couleurs aux tons francs et vifs, aux contrastes puissants. Ainsi, les groupes de personnages se déploient avec élégance au premier plan comme une guirlande de couleurs. Le jaune d’or se détache nettement du ciel bleuté, alors que le piédestal au blanc glacé raffermit les tons ocre des tuniques dans la foule.
C’est un chef-d’œuvre par la composition grandiose, équilibrée et claire malgré plus de trente personnages et par la richesse des coloris et la finesse des dessins. Il se situe dans la droite ligne du Dominiquin (1581-1641), de Nicolas Poussin (1594-1665) et des grandes compositions baroques avec un esprit novateur très marqué.