Un peu plus d’un an après la mort de Jean de Troy (1638-1691), Antoine Ranc, maître montpelliérain de renom, est sollicité par le chapitre le 24 mai 1692 pour terminer la commande inachevée de son prédécesseur.

Les consignes sont toujours identiques, l’œuvre doit s’inspirer des compositions de Nicolas Poussin. Ainsi, Antoine Ranc peint la partie inférieure de l’œuvre alors que Jean Charmeton, artiste d’origine lyonnaise, a pour mission d’élaborer le paysage de la partie supérieure de la toile.

La remise des clefs à saint Pierre, Antoine Ranc, Jean Charmeton

1692

Huile sur toile   

6,50 x 4,70 m

© Jean-François Peiré. DRAC Occitanie

La commande de la cathédrale Saint-Pierre est l’une des plus prestigieuses de la carrière d’Antoine Ranc, bien qu’il soit un maître reconnu dans la région, tant pour son atelier florissant que pour ses diverses peintures religieuses qui ornent les églises du diocèse. Il est aussi régulièrement sollicité par les consuls de Montpellier pour la réalisation de leurs portraits annuels.

Le sujet maintes fois représenté en peinture, rapporte l’épisode où le Christ offre à saint Pierre la clé de l’Eglise en reconnaissance de sa fidélité : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église. Je te donnerai les clés du royaume des cieux et tout ce que tu lieras sur terre sera lié dans les cieux ».

La remise des clefs à saint Pierre (arrière-plan), Antoine Ranc, Jean Charmeton

1692

Huile sur toile   

6,50 x 4,70 m

© Jean-François Peiré. DRAC Occitanie

Dans cette scène, qui s’ouvre sur un paysage classique structuré par des éléments architecturés, les références à Poussin sont assez nombreuses. La disposition en cercle des apôtres évoque la commande de Louis XIII, en 1640, pour la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye, Jésus-Christ instituant l’Eucharistie. Quant au geste du Christ, il répond à la verticalité de la pierre, marquée du « E » symbolique de l’Eglise.

Le talent d’Antoine Ranc s’exprime à travers la gestuelle variée des différents apôtres, leurs drapés amples et tourbillonnants qui ne sont pas sans rappeler la leçon du maître bolonais, Guido Reni (1575-1642). Toutefois, le travail détaillé et naturaliste des visages laisse entrevoir aussi l’influence d’une peinture nordique plus réaliste.

Ainsi, l’œuvre du maître montpelliérain reste représentative des grandes questions artistiques du XVIIe siècle français.