Trente ans après la réalisation par Sébastien Bourdon (1616-1671) du tableau du maître-autel La chute de Simon le Magicien, Monseigneur Charles de Pradel (1645-1696), évêque de Montpellier de 1676 à 1696, souhaite à son tour marquer son épiscopat, comme l’avait fait son oncle l’évêque François Bosquet (1605-1676), en poursuivant la décoration du chœur de la cathédrale.

Il commande en 1687 deux grands tableaux sur le cycle de la vie de saint Pierre au peintre Jean de Troy (1638-1691) : Saint Pierre et saint Jean guérissant le paralytique et la Remise des clefs à saint Pierre.

Après la disparition de Bourdon, Jean de Troy, héritier d’une longue dynastie d’artistes, est sans nul doute le peintre de la société languedocienne le plus en vue. Originaire de Toulouse mais fixé à Montpellier par mariage, directeur-fondateur de l’éphémère Académie des arts de Montpellier de 1679 à 1684, il reçoit de nombreuses commandes publiques et privées dont témoigne encore la décoration de quelques palais et hôtels particuliers de la ville. Le décor de la cathédrale couronne son succès quatre ans avant sa mort.

Saint Pierre et saint Jean guérissant le paralytique à l’entrée du Temple de Jérusalem, Jean de Troy

1687

Huile sur toile

6,50 x 4,70 m

© Jean-François Peiré. DRAC Occitanie

La scène de la Guérison du paralytique illustre un épisode du Nouveau Testament où Pierre et Jean s’arrêtent sur les marches du temple de Jérusalem aux pieds d’un mendiant paralytique. Encouragé par Pierre qui lui prend la main droite : « Au nom de Jésus Christ de Nazareth, lève-toi et marche » (Actes des Apôtres III, 4-8), l’homme se relève.

Suivant la demande du commanditaire, le tableau s’inspire de l’œuvre de Nicolas Poussin (1594- 1665) peinte en 1655, et aujourd’hui conservée au Metropolitan museum of Art à New York. Le groupe principal, formé par Jean, Pierre et le paralytique, est placé au centre d’une vaste composition architecturée. Parmi les personnages, graduellement disposés sur les marches du temple, on pourrait reconnaître à droite enveloppé de blanc, l’évêque Charles de Pradel ou son protecteur Pierre II de Bonzi (1631-1705), archevêque de Narbonne.

Comme la tradition le rapporte, l’homme au turban blanc au centre de la toile serait la silhouette de Jean de Troy, faisant écho à l’autoportrait de Sébastien Bourdon dans La chute de Simon le Magicien.

Saint Pierre et saint Jean guérissant le paralytique à l’entrée du Temple de Jérusalem (autoportrait), Jean de Troy

1687

Huile sur toile

6,50 x 4,70 m

© Jean-François Peiré. DRAC Occitanie

Jean de Troy utilise ici tous les codes de la peinture classique française qui s’affirme au milieu du XVIIe siècle, sous l’égide de Nicolas Poussin. La référence à l’antique, l’élégance des personnages, la souplesse des drapés démontrent les talents du peintre à la fin de sa carrière. Sa palette brillante, illumine le tableau avec raffinement. Néanmoins, son travail d’invention reste dicté par l’étude des grands maîtres tels Poussin, Vouet (1590-1679) et Raphaël (1483-1520). Ces artistes permettent au peintre d’acquérir un dessin sûr, au service du « grand genre » qu’est la peinture d’histoire.

En 1691, la mort de l’artiste laisse inachevé le second tableau d’autel de la cathédrale, La Remise des clés du Paradis à saint Pierre, qui sera terminé par Antoine Ranc.